dimanche 28 septembre 2008

La mémoire de la vie


Bergson fait un lien entre la conscience et la vie. Mais pas entre le cerveau et la conscience nécessairement. Faut-il chercher la conscience dans un organe ou une glande? Ou bien est-ce un état, une condition qui fait que "on est soi"?

Bergson face au cerveau

(Le Phare de Chassiron, île d'Oléron, août 2008)
« Disons donc, si vous voulez, que la conscience est un trait d’union entre ce qui a été et ce qui sera, un pont jeté entre le passé et l’avenir. Mais à quoi sert ce pont, et qu’est-ce que la conscience est appelée à faire ? » (L'énergie spirituelle, p.6)
Bergson commence par expliquer que la conscience est tout d’abord mémoire, qu’elle nous permet de nous appuyer sur un passé et de nous pencher sur un avenir. C’est ce double mouvement qui caractérise la conscience. Il prend ensuite le chemin de l’analogie. Il dit que l’on associe la conscience au cerveau, et on en conclut habituellement que les êtres qui ont un cerveau ont une conscience et ceux qui n’en ont pas en sont dépourvus. Bergson prend de nouveau, comme dans L’évolution créatrice, l’exemple de l’amibe qui digère même si elle n’a pas d’estomac. Ce fait s’appliquerait aussi au cerveau.
« […] la conscience est incontestablement liée au cerveau chez l’homme : mais il ne suit pas de là qu’un cerveau soit indispensable à la conscience. » (L'énergie spirituelle, p.7)
Il reprend en effet les développements de L’évolution créatrice pour expliquer que la conscience est présente à chaque étape de la vie et se spécialise dans des connexions nerveuses plus sophistiquées, mais cela ne veut pas dire qu’elle s’évanouit dans les stades antérieurs des êtres moins sophistiqués. Il émet donc l’hypothèse de la conscience qui serait coextensive à la vie.
La conscience serait ainsi présente dans tout être vivant, mais s’endort dans ceux qui n’en ont pas besoin pour se déplacer. Le cerveau est considéré par Bergson comme un organe de choix. Donc, chez les êtres qui n’ont pas de décision à prendre, la conscience ne sert pas et s’endort. Dans les systèmes nerveux qui n’ont pas de cerveau, le choix se fait par la moelle ou par d’autres fonctions. La conscience peut alors en effet être présente même si le cerveau fait défaut.
Ces pensées ne sont certes pas très populaires chez des chercheurs comme Dennett ou les époux Churchland qui cherchent en effet à réduire la conscience au cerveau jusqu'à éliminer la conscience pour ne parler que d'états neuronaux. Il me semble qu'ils oublient le lien entre la vie et la conscience. Bergson souligne l'importance d'un organisme vivant pour la conscience et la prise de décision, l'orientation de l'action.

samedi 27 septembre 2008

la conscience et la science Ou la science de la conscience.

Daniel Dennett invite des Martiens à venir étudier notre conscience. Eux, ils ont une faculté cognitive que Dennett imagine, et donc, dès ce moment, ce ne sont plus des Martiens, mais des poupées de Dennett...
Et pour montrer que lui, certainement, déteste Bergson:

"Nous savons en effet aujourd'hui que les "miracles " de la vie -le métabolisme, la croissance, l'autoréparation, l'autodéfense, et naturellement, la reproduction- s'accomplissent tous par des moyens prodigieusement complexes, mais qui n'ont rien de miraculeux. Aucun superviseur doté de sentiment n'est requis pour permettre au métabolisme de s'effectuer, aucun élan vital n'est nécessaire pour que se déclenche un processus d'autoréparation; quant aux nanofabriques de la réplication, elles produisent à la chaîne leurs répliques sans le secours de pulsions fantômes ni de forces vitales spécifiques"

Daniel Dennett, De beaux rêves, Obstacles philosophiques à une science de la conscience, Editions de l'éclat, pour la traduction de Sweet dreams, 2008


Comment peut-il en être sûr? Comment peut-il être sur que "aujourd'hui nous savons" que l'élan vital n'est pas nécessaire pour qu'un organisme fonctionne? On dirait qu'il parle d'un automate, d'une machine inanimée. Le problème c'est qu'il semble laisser de côté la vie, comme s'il disait "nous savons aujourd'hui que la vie n'est pas nécessaire à la vie".

Un passage de Bergson rappelle pourtant l'idée de Dennett sur les moments de la conscience qui s'illuminent chacun à leur tour.

"Chacun d'eux n'est que le point le mieux éclairé d'une zone mouvante qui comprend tout ce que nous sentons, pensons, voulons, tout ce que nous sommes enfin à un moment donné. C'est cette zone entière qui constitue, en réalité, notre état. Or, des états ainsi définis on peut dire qu'ils ne sont pas des éléments distincts. Ils se continuent les uns les autres en un écoulement sans fin."

Henri Bergson, L'évolution créatrice, p.3.
Il faudrait lire l'article de Thomas Nagel sur la chauve-souris si ce n'est pas encore fait pour comprendre à quoi Dennett se réfère dans son dernier livre Sweet dreams.

Merleau-Ponty et l'époché phénoménologique

"Toute la vie de la conscience tend à poser des objets, puisqu'elle n'est conscience, c'est-à-dire savoir de soi, qu'en tant qu'elle se reprend et se recueille elle-même en un objet identifiable. Et pourtant le position absolue d'un seul objet est la mort de la conscience, puisqu'elle fige toute l'expérience comme un cristal introduit dans une solution la fait cristalliser d'un coup."

Merleau-Ponty, Phénoménologie de la perception, Le corps, p.86.


Est-ce que Merleau-Ponty veut ici parler du problème que pose l'époché, la suspension du jugement en un moment absolu? La mort de la conscience correspond à la contemplation figée d'un moment qui devient absolu en se dilatant à l'infini. Si la conscience se prend elle-même comme objet en s'identifiant elle s'immobilise. Mais la position absolue d'un objet, peut-on la connaître? Existe-t-elle? Peut-être la position absolue est-elle la position dans le flux des événements? Le changement, le devenir, une position absolue?

vendredi 26 septembre 2008

pourquoi tant de haine?

Et si les neurosciences et autres sciences cognitives ne s'intéressaient pas aux réflexions, analyses, découvertes de Bergson? J'étais pourtant persuadée que je trouverais des développements de ses approches, de ses intuitions dans les livres au suejt du cerveau et de la conscience de Daniel Dennett, Patricia et Paul Churchland, Francesco Varela ou encore chez Thomas Nagel ou d'autres. Mais il n'en est rien.
La neurophilosophie semble avoir oublié Bergson, ou bien s'agit-il d'une haine profonde? C'est ce que j'aimerais découvrir. Si vous avez des pistes, des réflexions, des intuitions, je serai heureuse de les lire!