mercredi 8 octobre 2008

Conscience de la conscience


Pour revenir encore un peu sur l'excellent film Dans la peau de John Malkovich: Le problème de l'étude de la conscience comme objet scientifique est très bien illustré par la scène dans laquelle John Malkovich est plongé dans sa propre conscience et dès lors, le monde devient pour lui fait de Malkovich.


L'entreprise des neurosciences, (et je sais, je me répète) de vouloir isoler, expliquer la conscience comme un fait neutre bute sur la conscience du scientifique même. Peu importe qui veut analyser une conscience fait nécessairement face à sa propre conscience, à sa propre vision des choses. Sa conscience se dédouble en quelque sorte dans une autre conscience qu'il considère comme neutre, mais les deux consciences vivent et ce qu'elles perçoivent ne peut pas entrer dans un cadre d'analyse, la perception est trop riche, trop créatrice (comme le montrent d'ailleurs les études de Dennett lui-même sur la fovéa- la zone centrale où la vision est la plus précise- et la vision périphérique qui montre que nous inventons une grande partie de l'image que nous voyons, à ce sujet par exemple: Chris Frith, Making up the mind, How the brain creates our mental world.)

Encore une fois, nous faisons appel à Bergson pour nous sauver de cette aporie:

"En vain nous poussons le vivant dans tel ou tel de nos cadres. Tous les cadres craquent. Ils sont trop étroits, trop rigides surtout pour tout ce que nous voudrions y mettre. Notre raisonnement, si sûr de lui quand il circule à travers les choses inertes, se sent d'ailleurs mal à son aise sur ce nouveau terrain. On serait fort embarrassé pour citer une découverte biologique due au raisonnement pur. Et, le plus souvent, quand l'expérience a fini par nous montrer comment la vie s'y prend pour obtenir un certain résultat, nous trouvons que sa manière d'opérer est précisément celle à laquelle nous n'aurions jamais pensé".

Henri Bergson, L'évolution créatrice, Introduction, p. III., Ed. Félix Alcan, 1930.

Si nous mettons face à face le problème de la science qui isole et explique et la vie qui déborde notre faculté de comprendre, de penser et de percevoir de tous côtés, nous sommes devant un dilemme. La conscience est ce qui nous permet d'être dans le monde et d'avoir le monde en nous. Si nous prenons cette faculté comme objet, nous tombons forcément dans la démarche de Descartes. Et ceci explique aussi pourquoi les neurosciences sont si proches de Descartes et de la phénoménologie. Faire de la philosophie une science de la conscience, cela ne marche pas très bien sans mouvement, sans vie, sans pensée et sans dialectique. Car Dennett et ses amis oublient qu'il ne s'agit pas d'un théorème ou d'une propriété physique, mais d'un élément capital d'un organisme vivant. La conscience comme objet d'étude multiplie et dédouble le moi au lieu de le supprimer.

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